©Stella Vonie |
À n'en pas douter, Lescop est la révélation française de l'année. Depuis la sortie du single La Fôret en octobre 2011 sur le label Pop Noire jusqu'à la sortie de son album éponyme un an plus tard, Mathieu Peudupin alias Mathieu Lescop a été encensé par la presse spécialisée, fut par la même l'homme le plus systématiquement étiqueté de France - une situation épuisante, puis enfin découvert et apprécié à son tour par le public. De passage à Strasbourg pour un concert ouvert par les brillants Spiders Everywhere, Lescop a eu la gentillesse de me rencontrer pour répondre à quelques questions concernant son album, les étiquettes qui lui collent à la peau, et ses derniers coups de cœur musicaux et littéraires.
YYF : Comment vas-tu ?
Lescop : Très bien.
YYF : Comment se passe la tournée ?
Lescop : Très bien également. J’aime beaucoup la rencontre avec le public, c’est toujours très agréable.
YYF : Est-ce que tu as pensé à la dimension live lorsque tu as écrit l’album ?
Lescop : Oui, je l’ai conçu comme ça ; j’ai toujours aimé le live, contrairement au studio, un lieu qui m’angoisse un peu. Le live c’est surtout du trac à gérer, le plus gros travail se fait avant le départ en tournée ; j’essaye toujours de déterminer lorsque j’écris mes textes si oui ou non ils seront assez intéressants pour être chantés devant une audience. C’est une question que je me pose tout le temps.
YYF : Tu te posais déjà cette question lorsque tu jouais dans Asyl ?
Lescop : Je me suis toujours posé cette question. Mais après, tu te perfectionnes au fur et à mesure des chansons que tu écris, et je ne suis toujours pas dans la perfection, je ne le serais jamais. Tu apprends constamment, pour faire de mieux en mieux.
YYF : À partir de quel moment as-tu commencé à apprécier ce que tu faisais ?
Lescop : J’ai toujours apprécié ce que je faisais - pas en tant qu’auditeur, je n’écoute jamais ma musique - mais en tant qu’acteur des choses. Faire des choses est quelque chose que j’apprécie ; je pense que c’est le but de tout être humain de trouver une utilité dans le monde, et je pense que la mienne est d’écrire des chansons. C’est ça que j’apprécie, c’est pour ça que je fais ça, parce que je me sens à ma place.
YYF : Dans une interview pour Télérama, tu expliquais que l’écriture d’un disque aidait à se trouver soi-même, à savoir qui l’on est. Est-ce que tu as l’impression de mieux te connaître depuis l’écriture de l’album ?
Lescop : Oui oui, et puis des fois tu es surpris lorsque sur scène tu interprètes une chanson et que tu comprends des choses que tu écrites, des choses sur toi. Tu te dis « Tiens, si j’ai écrit ça, c’est parce que ça fait écho à ça ». Des fois il y a des choses qui sortent directement de ton cerveau sans que tu saches vraiment pourquoi, juste parce que sur le moment tu te dis que ça sonnait bien. Puis tu relies tel ou tel passage à un épisode de ta vie.
YYF : Il y a beaucoup de solitude, d’isolement qui ressort de cet album. Son écriture paraît avoir été peut-être difficile, en tout cas très personnelle. Est-ce qu’il te fallait composer toutes les chansons toi-même ?
Lescop : J’ai écrit tous les textes à part Tokyo La Nuit qui a été coécrit par Adrien Viot (AV). La musique est basée sur des démos retravaillées par Johnny Hostile et Gaël Étienne qui fait instrumentiste et arrangeur sur l’album.
YYF : Tu es souvent catégorisé sous l’étiquette new-wave, mais l’on sent bien par quelques détails, par le manque de réverbération notamment, que les outils ne sont plus les mêmes.
Est-ce que tu peux nous parler de ce qui te distingue de ce courant ?
Lescop : Ce qui me distingue des gens qui faisaient de la new-wave c’est que j’ai conscience d’écouter de la new-wave. Eux, ils ont inventés et joués la new-wave à un moment où le mot n’existait pas, sans savoir qu’ils créaient un style qui sera catégoriser comme tel. Maintenant les gens peuvent dire « Ça sonne new-wave », ce qui n’était pas le cas quand New Order ont sorti leur album par exemple.
Mais c’est surtout dans la démarche que c’est similaire, dans l’écriture notamment. J’écoute énormément d’autres choses à côté - je ne réfute pas pour autant le fait que je me suis inspiré de la new-wave - mais je ne veux pas qu’on réduise mon disque à cela. Il y a des influences des années 1960, 1970, 1990.
YYF : À force, les comparaisons (française) à Daniel Darc et Étienne Daho doivent te faire tiquer. Si tu faisais la chronique de Lescop, quels adjectifs, quelles comparaisons utiliserais-tu ?
Lescop : Je ne fais pas la chronique de mon album. Et le fond du problème est là je pense. On demande toujours aux artistes de s’autocommenter, et je pense que ce n’est pas du tout le rôle d’un artiste, c’est le rôle d’un journaliste. Ce sont des questions qui ne m’intéressent pas - c’est bien que des gens se les posent, de lire ce qui se dit sur ce que je fais, mais de me mettre en position d’autocritique… De l’autocommentaire à l’autosatisfaction il n’y a qu’un pas. Si j’avais un truc à dire sur mon album c’est qu’il a été écrit avec sincérité et sans calcul.
YYF : Ta photo de couverture a été prise par Hedi Slimane, qu’on ne présente plus dans les milieux de la mode, mais qui est peut-être moins connu dans celui de la musique. Pourquoi le choix de ce photographe, et pourquoi un portrait pour illustrer l’album ?
Lescop : Parce que c’est mon album solo, et je trouvais ça bien d’avoir une photo de moi dessus ! Au départ, avec Johnny Hostile, on s’était dit qu’il fallait faire une poche comme Lust For Life d’Iggy Pop, et finalement si tu regardes le résultat final c’est un peu le même genre de pochette.
Hedi Slimane était fan du Maxi et est venu vers moi pour réaliser une séance photo à Londres, puis une à Paris ; c’est plutôt lui qui est venu vers moi.
YYF : Sur le site de Pop Noire, on peut lire dans l’article qui présente la sortie de l’album : « La famille Pop Noire a travaillé avec beaucoup d’ardeur sur cet album les dernières années ». Depuis combien de temps prépares-tu cet album ?
Lescop : Depuis 3 ans maintenant. J’avais commencé à écrire certains titres en 2008. Ça s’est fait en petites sessions morcelées plutôt qu’en un seul bloc. Mais c’était l’intérêt de l’album aussi : pouvoir aller en studio dès que j’avais deux ou trois morceaux ; ça a permis de nourrir mon écriture pour la suite, de donner une direction générale à l’album : « Pour faire écho à ce morceau, je vais pouvoir en faire un qui est comme ça… ». C’est la méthode de travail que j’ai préférée, plutôt que de composer 15 chansons et imaginer un album après coup.
YYF : C’est pour cette raison que tu as sorti d’abord un maxi, puis l’album ?
Lescop : Oui, quoique quand le maxi est sorti, l’album était quasiment terminé.
YYF : Qu’est-ce que tu écoutes en ce moment ?
Lescop : Ce que j’écoute le plus en ce moment ce doit être Loveless Love des Feelies :
Lescop : Ce que j’écoute le plus en ce moment ce doit être Loveless Love des Feelies :
YYF : Ta chanson préférée de tous les temps ?
Lescop : Pour moi une des plus belles chansons du monde c’est Dancing With Myself de Billy Idol :
Lescop : Pour moi une des plus belles chansons du monde c’est Dancing With Myself de Billy Idol :
YYF : Celle que tu as le plus écoutée dans ta vie ?
Lescop : Break On Through des Doors :
Lescop : Break On Through des Doors :
YYF : Un groupe ou artiste de la scène française actuelle que tu suis ?
Lescop : En ce moment j’écoute Aline, qui vont bientôt sortir leur premier album. Je pense que ça va être un super bel album.
YYF : Le dernier artiste que tu es allé voir en concert ?
Lescop : Motoroma.
YYF : Un artiste que tu as vu ou que tu veux voir une fois dans ta vie?
Lescop : Le premier qui me vient à l’esprit c’est Kid Congo que je suis allé voir à La Rochelle. J’avais super envie de voir ce type là parce que je suis fan de The Gun Club ; il a aussi joué aux côtés de Nick Cave And The Bad Seeds, des Cramps… C’était un mec que je voulais absolument voir sur scène et il m’a vraiment pas déçu. Vraiment généreux, agréable.
YYF : C’était dans une petite salle, ambiance intimiste ?
Lescop : Oui c’était dans un club, 300-400 personnes, c’était génial.
YYF : Est-ce qu'en tant qu'artiste tu as une préférence pour les grandes ou les petites salles ?
Lescop : Il n’y a pas de règles pour moi. J’aime surtout jouer dans des salles pleines ! Quoique des fois j’ai joué de super concerts dans des salles à moitié vide. Mais il vaut mieux 300 personnes serrées dans un club que 500 personnes dans une salle pour 1500.
YYF : Tu as une mauvaise expérience de concert à partager ? Le pire concert que tu ai joué ?
Lescop : Je me rappelle d’un concert à Niort avec Asyl qui était absolument catastrophique. Ils avaient fait l’erreur de nous faire goûter des bouteilles du cognac local avant d’aller jouer… C’était pas une très bonne idée.
YYF : Y a-t-il quelqu’un avec qui tu voudrais collaborer ?
Lescop : Dorothée de Koon, la pianiste d’Arnaud-Fleurent Didier, qui a prêté sa voix sur Le Mal Mon Ange. J’aimerais beaucoup travailler avec ses talents de pianiste sur d’autres morceaux.
YYF : Quelles sont tes passions en dehors de la musique ?
Lescop : Il y en a pas mal, notamment le cinéma, la littérature, les arts martiaux, l’Histoire contemporaine - surtout les deux Guerres Mondiales.
YYF : Qu’est-ce que tu lis en ce moment ?
Lescop : La Mort à Venise de Thomas Mann.
YYF : Une dernière question pour conclure : quel est ton livre préféré ?
Lescop : Zone de Mathias Enard et 1984 de George Orwell.
Merci à Lescop pour d'avoir pris le temps de répondre à mes questions, à Florian pour m'avoir offert cette occasion, et à la Laiterie pour son accueil.
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